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Il ne s'agit pas ici de choisir l'homme contre l'animal. Si on capture des ours en Slovénie pour les parachuter dans les Pyrénées, ce n'est certainement pas pour leur bien. Il s'agit de flatter, encore une fois, le fantasme des citadins que nous sommes tous devenus. La bataille qui se joue actuellement dans nos montagnes n'oppose pas l'homme à l'ours, mais l'homme des villes à l'homme des prés, le rêve à la réalité. Dans la réalité, ici, cette manipulation de la nature orchestrée par des écologistes bien intentionnés n'engendre que souffrance, autant pour l'animal plongé dans un milieu hostile que pour les bergers.

Hormis les gens réellement concernés, tout le monde est pour l'ours. Les touristes feraient bien d'y voir un peu plus clair, et d'être pour l'homme. Quand il n'y aura plus de paysans en haute montagne, ce qui ne saurait tarder, quelle allure, et surtout quelle âme aura le terrain de jeu des vacanciers ? Ce sont les hommes qu'il faudrait réintroduire, non seulement dans les Pyrénées mais dans toutes les campagnes. Je n'ai pas envie que Barèges ne soit plus qu'une usine à touristes. Je n'ai pas envie de renoncer à mes voisins paysans. Je n'ai pas envie qu'il n'y ait plus que des locataires saisonniers dans la ferme de Pierrot. Je n'ai pas envie de vivre dans un monde exclusivement citadin, d'où toute culture profonde de la nature aurait disparu. Pierrot est contre l'ours ? Et alors ? J'ai fréquenté pas mal d'écolos, mais aucun n'incarnait comme lui et les gens d'ici un attachement viscéral à leur environnement naturel. Les citadins que nous sommes aiment la nature comme on entretient une danseuse. Alors que les gens d'ici sont mariés avec elle depuis toujours, et pour beaucoup restent incapables de s'en séparer.

Nous aussi, à la grange, on a quelques problèmes avec les gens des villes. Quand on rentre chez nous en voiture par les "lacets" (le chemin dans la forêt), beaucoup de ces randonneurs du dimanche râlent. Dans leur esprit, le chemin est aux piétons, c'est à dire à eux, quelques semaine pas an. En pèlerinage dans la sainte Nature, ils nous dénient le droit de nous y déplacer en voiture. Une fois, j'ai craqué, je me suis engueulée avec l'un deux. " Et vous ? lui ai-je dit, là où vous vivez, vous rentrez chez vous à pied ? " Aucun d'eux ne serait capable de vivre ici toute l'année, comme nous l'avons souvent fait. Peut-être même pas d'y passer les deux mois d'été. Et ils viennent nous faire la leçon. De la même façon, on sermonnera les paysans préoccupés par la sécurité de leurs troupeaux - alors qu'ils mènent une vie si peu facile, malgré les subventions, que dans dix ans, en face de chez moi, où la montagne est magnifiquement entretenue par eux, il n'en restera pratiquement plus un seul. Sauvons l'homme des Pyrénées !


Alina Reyes, Ma vie douce, Zulma, 2001

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  • Je suis un romancier amateur de détails. Hélas ! Voltaire désapprouve : "Malheur aux détails, la postérité les néglige tous. Ils sont la vermine qui tue les grands ouvrages."
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